vendredi 31 juillet 2009

Emmanuel Todd : "le protectionnisme ou le chaos"


La crise a révélé de nombreux dysfonctionnements dans l'économie et la finance, vous semble-t-il qu'on en tire les leçons pour le monde de demain ?

Il y a une ultime vérité qui n'a pas encore été acceptée : la crise provient d'un déficit de la demande à l'échelle mondiale, dont la cause première est le libre-échange. Le libre-échange a rompu l'équilibre entre la production et la consommation, il a conduit les entreprises à considérer leurs salariés comme un coût pur, et les a précipitées dans la compétition par la compression des salaires. L'irruption de la Chine et des pays émergents n'a fait que renforcer ce travers, qui aurait existé sans eux. Dans un monde où l'on comprime les salaires, la demande ne peut provenir que de l'endettement. D'où la crise.

Le libre-échange a aussi des avantages substantiels, il a déclenché une période de forte croissance...

Dans la première phase, il y a bien sûr les économies d'échelle et les bénéfices de la spécialisation, je ne suis pas aveugle à cela. Mais dans la seconde phase, les effets déprimants sur la demande l'emportent, lorsque les entreprises ne considèrent plus leurs salariés comme des consommateurs. Dans nombre de pays développés, les salaires stagnent depuis quinze ans. Le seul élément dynamique était l'endettement du consommateur américain et le déficit extérieur des États-Unis, qui a tiré la planète. Si les plans de relance en cours visent à rétablir un tel système, nous butterons vite sur les mêmes difficultés. D'autant que les difficultés de financement des États vont apparaître. Les investisseurs vont se rendre compte que l'État américain n'est qu'un super-Madoff, l'escroquerie du siècle. Il est tout à fait vraisemblable que l'on assiste à l'effondrement du dollar dans l'année qui vient.

Va-t-on vers le protectionnisme ? Le libre-échange est toujours défendu par les dirigeants du monde entier...

Les classes dirigeantes sont toujours les dernières à comprendre. Je note quand même un changement d'ambiance, les gens ne rient plus lorsqu'on parle de protectionnisme européen. C'est un beau projet, que celui d'une Europe protégée et relançant la demande par les salaires. Cela déclencherait probablement un nouveau cycle d'innovation technologique. Les délocalisations sont en effet un frein à l'innovation, parce qu'elles donnent accès à de vastes réserves de main-d'œuvre sous-qualifiée et sous-payée. Le personnage central du monde protectionniste, c'est l'ingénieur, et non le financier, qui triomphe au contraire dans le monde libre-échangiste. Pour le futur, ce sera ce monde protectionniste ou le chaos. Ou bien d'abord le chaos, et après ce monde-là.

Pourquoi les économistes sont-ils alors unanimes à condamner le protectionnisme ?

Ils sont incapables, malgré leurs efforts récents, de se réapproprier les concepts de la macroéconomie keynésienne, de concevoir la collectivité sociale ou nationale. C'est l'incapacité à penser le collectif qui aveugle notre époque et retarde le règlement de la crise. Cette société molle et atomisée qui est la nôtre n'a d'ailleurs pas que des inconvénients. Cela nous protège des folies collectives du dernier siècle. Malgré le chômage, il n'y a pas de petits bourgeois hystériques dans les rues pour réclamer un régime fasciste ou stalinien... Le niveau éducatif, qui est la variable déterminante de l'évolution d'une société, est aujourd'hui très élevé, même s'il ne progresse plus. Peut-être les évolutions idéologiques seront-elles beaucoup plus rapides et plus intéressantes qu'auparavant, grâce au niveau intellectuel des populations.

Vous êtes donc assez optimiste...

Ce qui m'inquiète, c'est le vieillissement des populations et des mentalités. L'âge médian de nos sociétés s'élève à 45 ans au Japon, 44 ans en Allemagne, 40 en France et 37 aux États-Unis. Et l'âge médian du corps électoral est encore plus élevé, puisqu'il ne comprend pas les moins de 18 ans. Cette évolution va induire un ralentissement de la vie politique et de la pensée. Elle explique le basculement à droite de l'Europe, lors des récentes élections européennes. L'obsession sécuritaire, c'est un problème de vieux qui a peur des jeunes. Regardez les pubs à la télévision, c'est le financement des obsèques, les problèmes d'érection et le cholestérol ! Les publicités en disent davantage sur nous que les sciences sociales. Et ce phénomène de vieillissement est irréversible, partout sur la planète. Même la Chine vieillit à vitesse accélérée.

Ces structures d'âges élevés n'empêchent pas nos sociétés de se moderniser à grande vitesse, au plan technologique...

Oui, ce sont des sociétés vieillies qui ont adopté Internet, et cela plus vite que d'autres, plus jeunes. Il y a certainement un acquis en matière de compétence, de niveau intellectuel, d'adaptabilité, qui devrait nous aider à résoudre cette crise longue. D'autant que se profile un grand moment de l'histoire de l'humanité : l'alphabétisation complète de la planète, qui devrait intervenir vers 2030. L'écriture date de 3.000 avant Jésus-Christ, il aura fallu 5.000 ans et quelque 200 générations pour réaliser ce grand projet. C'est impossible de ne pas être optimiste quand on envisage cela.

La Tribune

Aux larmes, citoyens


Par John Pilger

La mousson avait tissé d’épais voiles de brume au-dessus des hauts plateaux du centre du Vietnam. J’étais un jeune correspondant de guerre et je bivouaquais dans le village de Tuylon avec une unité de marines US investis de la mission de gagner les coeurs et les esprits. « Nous ne sommes pas ici pour tuer, » a dit le sergent, « nous sommes ici pour partager la Liberté à l’Américaine comme indiqué dans le Manuel de Pacification. L’objectif est de gagner les coeurs et les esprits des gens, comme c’est écrit à la page 86. »
Le titre de la page 86 était WHAM [Win Hearts And Minds – « gagner les coeurs et les esprits » mais aussi une onomatopée pouvant être traduite par BANG – NdT]. L’unité du sergent était appelée une compagnie d’action combinée, ce qui signifiait, dit-il, « Les lundis, nous les attaquons, et les mardis nous gagnons leurs coeurs et leurs esprits ». Il plaisantait, mais pas tant que ça. Debout sur une jeep à la limite d’une rizière, il a annoncé par porte-voix : « Sortez, tout le monde. Nous avons du riz, des sucreries et des brosses à dents pour vous. »
Silence. Pas l’ombre d’un mouvement.
« Bon, écoutez bien les niakoués, ou vous sortez de vos cachettes ou nous irons vous chercher ! »
Les habitants de Tuylon sont finalement sortis et se sont mis en rang pour recevoir des paquets de riz long grain Uncle Ben’s, des tablettes de chocolat, des ballons gonflables et plusieurs milliers de brosses à dents. Trois WC portables jaunes alimentés par batteries furent mis de côté en attendant l’arrivée du colonel. Lorsque le colonel est arrivé le soir, le chef du district fut convoqué et les WC portables dévoilés.
« M. le Chef du District, et vous tous, » a dit le Colonel, « ces cadeaux représentent plus qu’un ensemble d’objets. Ils portent l’esprit de l’Amérique. Mesdames et messieurs, il n’y a pas d’autre endroit au monde comme l’Amérique. Elle est la lumière qui me guide, et qui vous guidera aussi. Voyez-vous, là-bas chez nous, nous nous disons que nous avons beaucoup de chance de vivre dans la plus grande démocratie que le monde ait jamais connue, et nous voulons partager notre bonne fortune avec vous tous, braves gens. »
Thomas Jefferson, George Washington et Davy Crockett ont eu droit de cité. Il a prononcé maintes fois le mot « phare » et tandis qu’il évoquait la « cité sur la colline » de John Winthrop, les marines ont applaudi, et les enfants ont applaudi aussi sans avoir compris un traître mot.
C’était une belle démonstration de ce que les historiens appellent « l’exceptionnalisme », cette notion selon laquelle les Etats-Unis ont le droit divin d’apporter ce qu’ils appellent la liberté et la démocratie au reste de la planète. Il ne pouvait surtout pas être dit que ces termes cachaient simplement un système de domination, ce que Martin Luther King décrivait, peu avant son assassinat, comme « la plus grande source de violence au monde ».
Comme l’a fait remarquer ce grand historien des peuples, Howard Zinn, Winthrop, avec sa "cité sur la colline", faisait référence à une colonie du 17eme siècle dans le Massachusetts, Bay Colony, nimbée d’une bonté et d’une noblesse infinies. Mais sa description était rarement confrontée à la réalité de la violence des premiers colons pour qui le fait de brûler vifs 400 Indiens Pequot constituait « une joie triomphante ». Les massacres innombrables qui ont suivi, écrit Zinn, étaient justifiés par « l’idée que l’expansionnisme américain était l’oeuvre d’une volonté divine ».
Il y a peu, j’ai visité le Musée Américain d’Histoire, dans le cadre des célébrations du Smithsonian Institution à Washington, DC. Une des expositions les plus populaires était « Le Prix de la Liberté : les Américains en guerre ». C’était pendant les vacances et des longues files de visiteurs, dont de nombreux enfants, défilaient respectueusement devant une sorte de grotte du Père Noël dédiée à la guerre et à la conquête et où des messages sur la « grande mission » de la nation étaient dispensées. On y trouvait un hommage rendu aux « américains d’exception qui ont sauvé un million de vies » au Vietnam, où ils étaient « déterminés à stopper l’expansion communiste. » En Irak, d’autres coeurs vaillants « ont effectué des frappes aériennes d’une précision sans précédent. » La description révisionniste de deux des crimes les plus épiques des temps modernes était moins choquante que l’ampleur des omissions.
« L’histoire sans mémoire », écrivait le magazine Time à la fin du 20eme siècle, « confine les Américains dans une sorte de présent éternel. Ils sont particulièrement incapables de se souvenir de ce qu’ils ont infligé aux autres, par opposition à ce qu’ils ont fait pour eux. » De manière ironique, c’est Henry Luce, le fondateur de Time, qui avait prédit en 1941 que le « siècle américain » serait celui d’une « victoire » sociale, politique et culturelle américaine sur l’humanité et le droit « d’exercer sur le monde tout le poids de notre influence, pour les objectifs qui nous conviennent et par les moyens qui nous conviennent. »
Tout ceci n’est pas destiné à vous faire croire que les Etats-Unis ont l’exclusivité d’une telle vanité. Les Britanniques ont souvent présenté leur violente domination d’une bonne partie du globe comme une avancée naturelle de gentlemen chrétiens qui cherchaient d’une manière altruiste à civiliser les indigènes, et les historiens de la télévision moderne perpétuent ce mythe. Les Français aussi célèbrent toujours leur « mission civilisatrice » sanglante.
Avant la deuxième guerre mondiale, le mot « impérialiste » était considéré comme une médaille politique que l’on arborait avec fierté en Europe, alors qu’aux Etats-Unis on lui préférait le terme « age de l’innocence ». L’Amérique était différente du Vieux Continent, affirmaient les mythologistes. L’Amérique était la Terre de la Liberté, indifférente aux conquêtes. Mais que dire alors de l’appel de George Washington en faveur d’un « empire à construire », et celui de James Madison pour « jeter les fondations d’un grand empire » ? Que dire de l’esclavage, du vol du Texas au Mexique, de la soumission sanglante de l’Amérique centrale, de Cuba et des Philippines ?
La mémoire nationale qui est imposée relègue ces éléments dans les marges de l’histoire et le mot « impérialisme » a été pour le moins discrédité aux Etats-Unis, surtout après qu’Adolf Hitler et les fascistes, avec leurs idées de supériorité raciale et culturelle, aient légué un sentiment de culpabilité par association d’idées. Après tout, les Nazis étaient eux aussi fiers d’être des impérialistes, et l’Allemagne aussi était « exceptionnelle ». L’idée d’impérialisme, le mot même, fut littéralement bannie du vocabulaire américain, « parce qu’il attribuait à tort des motivations immorales à la politique étrangère de l’occident, » selon un historien. Ceux qui persistaient à employer ce terme étaient « inspirés par la doctrine communiste » ou des « nègres intellectuels qui avaient des comptes personnels à régler avec le capitalisme blanc ».
Pendant ce temps, la « cité sur la colline » continuait à être le phare de la rapacité tandis que le capital US s’apprêtait à réaliser le rêve de Luce en recolonisant les empires européens après la guerre. C’était « la marche en avant du libre entreprise ». En réalité, la marche était impulsée par le boom d’une production subventionnée dans un pays qui n’avait pas été ravagé par la guerre : une sorte de socialisme pour les grandes entreprises, ou un capitalisme d’état, qui a permis à l’Amérique d’accaparer la moitié des richesses de la planète. La pierre angulaire de ce nouvel impérialisme fut posée en 1944 lors d’une conférence des Alliés à Bretton Woods, dans le New Hampshire. Présentée comme « des négociations pour la stabilité économique », la conférence a marqué le début de la conquête par l’Amérique de la majeure partie du reste du monde.
Ce que l’élite américaine exigeait, écrit Frederic F Clairmont dans The Rise and Fall of Economic Liberalism (montée et déclin du libéralisme économique - ndt), « n’était pas des alliés mais des états serviles. Ce que Bretton Woods a donné au monde est un plan totalitaire visant à accaparer les marchés mondiaux. » La Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, la Banque Asiatique de Développement, la Banque Interaméricaine de Développement et la Banque Africaine de Développement ont été créées comme autant d’armes entre les mains du Trésor américain pour organiser et contrôler le nouvel ordre. L’armée américaine et ses alliés étaient chargés de monter la garde devant ces institutions « internationales », tandis qu’un « gouvernement invisible » des médias imposerait le mythe, selon Edward Bernays.
Bernays, décrit comme le père de l’ère des médias, était le neveu de Sigmund Freud. « Le mot propagande », écrivit-il, « était devenu un gros mot à cause des Allemands... alors j’ai du chercher d’autres termes [tels que] Relations Publiques. » Bernay a eu recours aux théories de Freud sur le contrôle du subconscient pour promouvoir la « culture de masse » destinée à cultiver la peur des ennemis officiels et la servilité du consumérisme. C’est Bernay qui, au nom des industries du tabac, a fait campagne auprès des femmes américaines pour les convaincre que fumer était un acte de libération féministe, en qualifiant les cigarettes de « torches de la liberté » ; et c’est sa notion de désinformation qui a été employée pour renverser des gouvernements, tels que celui de la démocratie guatémaltèque en 1954.
Mais, plus que tout, l’objectif était de distraire et d’éliminer les pulsions sociales-démocrates des travailleurs. Le Big Business, perçu jusqu’alors par l’opinion publique comme une sorte de maffia, fût élevé au rang de force patriotique. La « libre entreprise » devint une divinité. « Au début des années 50, » écrit Noam Chomsky, « 20 millions de personnes par semaine regardaient des films sponsorisés par l’industrie. L’industrie du divertissement fut enrôlée pour servir la cause et présenter les syndicats sous les traits de l’ennemi, un intrus qui vient perturber l’ « harmonie » du American Way of Life... Tous les aspects de la vie sociale étaient visés, les écoles, les universités, les églises et même les programmes de divertissement en étaient imprégnés. En 1954, la propagande commerciale dispensée dans les écoles publiques équivalait à la moitié des dépenses effectuées pour les livres scolaires. »
Le nouveau mot en « isme » était l’américanisme, une idéologie dont la particularité est de nier sa qualité d’idéologie. Récemment, j’ai vu la comédie musicale de 1957 Silk Stockings (Belle de Moscou en français – NdT), avec Fred Astaire et Cyd Charisse. Entre les merveilleuses scènes de danse sur une musique de Cole Porter, on entend des gages de loyauté qui auraient pu être écrits par le colonel au Vietnam. J’avais oublié à quel point la propagande était ouverte et généralisée ; les Soviétiques n’étaient vraiment pas à la hauteur. Un serment de fidélité à tout ce qui était américain est devenu un engagement idéologique auprès des monstres du Big Business : de l’industrie de l’armement et de la guerre (qui aujourd’hui consomme 42% des impôts) jusqu’à l’agroalimentaire (qui reçoit 157 milliards de dollars de subventions par an).
Barack Obama est l’incarnation de cet « isme ». Dès ses premiers pas dans la vie politique, son thème récurrent n’a pas été « le changement », comme le slogan de sa campagne électorale, mais le droit de l’Amérique à diriger et à organiser le monde. En parlant des Etats-Unis, il dit « nous dirigeons le monde en combattant le mal qui menace et en défendant le bien suprême... Nous devons diriger le monde en créant une armée du 21eme siècle afin de garantir la sécurité de notre peuple ainsi que celle de tous les peuples. » Et aussi : « Au siècle dernier, dans les moments de grand danger, nos dirigeants ont fait en sorte que l’Amérique, par ses actes et par son exemple, mène le monde et que nous défendions et luttions pour les libertés chéries par des milliards de personnes au-delà de nos frontières ».
Depuis 1945, par ses actes et par l’exemple, les Etats-Unis ont renversé 50 gouvernements, dont des démocraties, écrasé 30 mouvements de libération et soutenu des tyrannies de l’Egypte au Guatemala (voir les écrits de William Blum). Bombarder est un acte typiquement américain. Après avoir bourré son gouvernement de va-t-en-guerre, de copains de Wall Street et des pollueurs rescapés des administrations Bush et Clinton, le 45eme président ne fait que maintenir une tradition. La farce au sujet des coeurs et des esprits à laquelle j’ai assisté au Vietnam se répète aujourd’hui dans les villages d’Afghanistan et, par procuration, ceux du Pakistan, qui sont les guerres d’Obama.
Dans son discours prononcé lors de la remise de son prix Nobel de Littérature 2005, Harold Pinter a dit que « tout le monde savait que des crimes terribles avaient été commis par l’Union Soviétique dans la période d’après-guerre, mais les crimes américains commis à la même époque n’ont été que vaguement rapportés, encore moins documentés, encore moins reconnus comme tels. » C’est comme si « Rien ne s’était passé. Rien du tout. Même lorsque ça se passait, rien ne se passait. Il faut tirer son chapeau à l’Amérique... déguisée comme une force de bien universel. C’est un numéro d’hypnose brillant, génial même, et très efficace. »
Tandis qu’Obama envoie des drones pour tuer (depuis janvier) quelques 700 civils, certains progressistes distingués se réjouissent que l’Amérique soit redevenue une « nation d’idéaux moraux », selon les mots de Paul Krugman dans le New York Times. En Grande-Bretagne, l’élite a longtemps vu l’exceptionnelle Amérique comme un lieu propice pour exercer « l’influence » britannique, bien que ce ne soit qu’en tant que laquais ou marionnette. L’historien pop Tristram Hunt dit que l’Amérique sous Obama est un pays « où se produisent des miracles ». Justin Webb, jusqu’à récemment le correspondant de la BBC à Washington, se réfère béatement, comme le colonel au Vietnam, à la « cité sur la colline ».
Derrière cette façade « d’intensification du sentiment et de détérioration de la signification » (Walter Lippmann), les Américains ordinaires s’agitent comme peut-être jamais auparavant, comme s’ils avaient renié la déité du « Rêve Américain » selon laquelle la prospérité était garantie à ceux qui travaillaient dure et dépensaient avec parcimonie. Washington a été submergée par des millions de courriers électroniques rageurs envoyés par des gens ordinaires qui exprimaient une indignation que l’élection d’un nouveau président n’a pas calmée. Au contraire, ceux qui ont perdu leur emploi ou leur maison voient le nouveau président récompenser des banquiers escrocs et des militaires obèses, et se consacrer pour l’essentiel à protéger le clan Bush.
Je pense qu’un populisme émergera dans les prochaines années et déclenchera une force puissante qui sommeille dans les profondeurs de l’Amérique et qui a connu un passé glorieux. On ne peut pas prédire la direction qu’il prendra. Néanmoins, c’est cet authentique américanisme issu de la base qui a donné le droit de vote aux femmes, la journée de travail de 8 heures, l’impôt progressif et l’étatisation. A la fin du 19eme siècle, les populistes ont été trahis par des dirigeants qui les ont poussés au compromis et à fusionner avec le Parti Démocrate. Le règne d’Obama donne une impression de déjà vu.
Ce qui est le plus extraordinaire avec les Etats-Unis aujourd’hui, c’est le rejet et le mépris, exprimé sous maintes formes, envers l’omniprésente propagande historique et contemporaine diffusée par le « gouvernement invisible ». Des sondages crédibles ont depuis longtemps confirmé que plus de deux tiers des Américains avaient des opinions progressistes. Une majorité veut un gouvernement qui prenne soin des plus démunis. Ils seraient prêts à payer plus d’impôts pour garantir une couverture médicale à l’ensemble de la population. Ils veulent un désarmement nucléaire total. 72 pour cent veulent la fin des guerres coloniales US, et ainsi de suite. Ils sont informés, subversifs, et même « anti-américains ».
Un jour j’ai demandé à une amie, grand correspondant de guerre et humaniste, Martha Gellhorn, de m’expliquer ce terme. « Je vais vous dire ce que signifie « anti-américain », m’a-t-elle répondu. « C’est comme ça que les gouvernements et les intérêts qu’ils défendent appellent ceux qui honorent l’Amérique en s’opposant à la guerre et au pillage des ressources naturelles, et qui croient en l’humanité. Il y a des millions de ces anti-américains aux Etats-Unis. Ce sont des gens ordinaires, qui n’appartiennent à aucune élite, et qui jugent leur gouvernement en termes moraux, même s’ils emploient eux-mêmes plutôt le terme de « décence élémentaire ». Ils ne sont pas vaniteux. Ce sont des gens qui ont une conscience éveillée, qui constituent le meilleur du peuple américain. On peut compter sur eux. Ils étaient dans le Sud avec le mouvement de défense des droits civiques pour faire abolir l’esclavage. Ils étaient dans la rue pour exiger la fin des guerres en Asie. Certes, ils disparaissent de temps en temps, mais ils sont comme des graines sous la neige. Je dirais qu’ils sont véritablement exceptionnels. »
John Pilger
Adaptation d’une conférence « Empire, Obama et le Dernier Tabou » donnée par John Pilger à Socialisme 2009 à San Francisco, le 4 juillet.
Texte Original
Mourn on the 4th of July (*)
http://www.johnpilger.com/page.asp?partid=539
Traduction VD pour le Grand Soir http://www.legrandsoir.info
(*) NdT : jeux de mots sur "Born" (né) et "Mourn" (pleurer) : Le 4 juillet est la fête nationale US. Un livre célèbre (qui a fait l’objet d’un film) s’appelle « Born on the 4th of July » (Né un 4 juillet) autobiographie de Ron Kovic. Titre éponyme aussi d’une chanson de Tom Paxton, en hommage à l’auteur du livre.

samedi 11 juillet 2009

Salah, mon fils, mon frère…


« Le peuple palestinien a vécu beaucoup de tragédies pendant ces 61 dernières années à cause de l’occupation israélienne qui a expulsé de force le peuple palestinien de sa terre. Ils ont commis beaucoup de massacres et il y a eu beaucoup de morts.

Le monde n’a pas bougé. Notre devoir, nous les Palestiniens, est de protéger notre peuple. Pour cela il nous reste que la résistance, qu’elle soit culturelle ou économique, pour libérer notre terre.

Il y a des morts et des blessés dans cette lutte. Et il y a aussi des prisonniers. Les prisonniers palestiniens sont des prisonniers politiques. Ce ne sont ni des voleurs, ni des criminels et encore moins des « terroristes ». Mais Israël se refuse à appliquer le droit international. Envers ces prisonniers c’est la « justice militaire » qui leur est appliquée.

Il ta plusieurs étape dans la vie d’un détenu palestinien. La première c’est la période d’interrogatoire. L’enquêteur emploie tous les moyens pour faire parler le détenu afin qu’il fasse des aveux qui seront ensuite utilisés contre lui au tribunal militaire.

Les divers moyens utilisés sont tous : la force. Il s’agit de terroriser le prisonnier, de le menacer de tortures et de lui dire qu’il passera toute sa vie en prison s’il n’avoue pas.

Un membre de la famille peut être amené (père ou mère) et le prisonnier le voit derrière une vitre teintée pendant qu’il est interrogé. Ensuite on ne nous laisse pas dormir : on est interrogé pendant 20 heures de suite attaché à une chaise, les mains dans le dos et les pieds liés. Pendant les quelques heures qu’il nous resterait pour dormir et se laver un peu, on ne peut pas : tout est sale, on st dans le noir dans une cellule de 5 mètres avec des toilettes.

On n’a plus la notion du temps. Du jour ou de la nuit. Plus de repères.

Cette première étape peut durer jusqu’à 6 mois. Ensuite le prisonnier sera transféré dans une prison centrale où la vie changera un peu. Mais il faut que je m’arrête d’écrire. Déjà… »

Salah Hamouri
Prison de Gilboa
Le 22 octobre 2008

Comité National de Soutien à Salah Hamouri

 Emmanuel Todd devant 400 patrons bretons: vive l’Europe protectionniste!


Politologue, démographe, historien, sociologue et essayiste, Emmanuel Todd était invité par l’association Bretagne International, qui dépend du conseil régional et est chargée de promouvoir l’économie bretonne à l’échelle mondiale.

Une bonne idée d’inviter celui qui écrivait, prophétique, en 2002, en conclusion de son livre Après l’empire : « Nous ne savons pas encore comment, et à quel rythme, les investisseurs européens, japonais et autres seront plumés, mais ils le seront. Le plus vraisemblable est une panique boursière d’une ampleur jamais vu suivie d’un effondrement du dollar, enchaînement qui aurait pour effet de mettre un terme au statut économique “impérial” des États-Unis. »

Lundi, à Rennes, devant 400 patrons et responsables bretons, l’auteur d’Après l’empire n’aura pas usé de la langue de bois. « La crise ? Mais c’est le libre-échange qui en est responsable ! » Et pour en sortir ? « Le protectionnisme ! », affirme Todd, qui ne croit pas un instant à l’efficacité des différents plans de relance mis en place en ordre dispersé.

Récusant l’omnipotence de l’économie (« il n’y a quand même pas que le commerce dans la vie ! »), pour lui, l’Europe est le seul socle possible et pertinent pour revenir à une économie remise à sa place.
Mais dans l’univers ultra-individualiste propre à la société marchande, « toute pensée collective est devenue inconcevable », et le monde politico-médiatique s’est détaché depuis quelques années des préoccupations des classes populaires et des classes moyennes, qui ont « décroché des élites ».

« Nos vieilles démocraties, narcissiques et plutôt sclérosées, tournent au ralenti… », constate en conclusion E. Todd. Comment, alors, susciter le sursaut collectif qu’il appelle de ses vœux ? Telle est la question…

Novopress

jeudi 9 juillet 2009

Les 18 crimes de Manuel Zelaya

Le passage qui suit est extrait d'un récit de Medea Benjamin pour le site CommonDreams.org. L'auteur raconte la journée du 5 juillet à Tegucigalpa et la grande manifestation populaire organisée pour le retour (avorté) du président constitutionnel Manuel Zelaya, qui s'est achevée par le drame de la mort d'au moins deux manifestants.
Dans l'extrait qui nous intéresse ici, l'auteur interroge une jeune étudiante hondurienne sur ses motivations concernant le soutien à Zelaya. La réponse qu'elle lui fait éclaire singulièrement ce point crucial et pourtant étrangement occulté dans les rares médias français qui ont relatés ces évènements, médias généralement plutôt critiques sur la personnalité du président hondurien et peu diserts en ce qui concerne ses actions politiques durant son mandat.

"Je lui demandais pourquoi elle soutenait le président Zelaya, ou "Mel", comme l'appellent ses partisans. "Le gouvernement dit qu'il a enfreint la loi et qu'il est coupable de 18 crimes," me répondit-elle, "sais-tu lesquels ?". Elle sortit alors son téléphone portable et commença à y lire une liste : Il a augmenté le salaire minimum, offert des repas gratuits dans les cantines scolaires, fait distribuer du lait pour les bébés et des pensions de retraites pour les personnes âgées, distribué des ampoules basse-consommation, fait baisser le prix des transports publics, donné des bourses d'études aux étudiants pauvres." Subitement une foule se rassembla autour de nous et commença à nous interrompre. "Il a réparé les routes" disait l'un."Il a ouvert des écoles dans les endroits reculés, comme mon petit village où il n'y en avait jamais eu." ajouta un autre. "il a permis à tout le monde de rentrer dans le palais présidentiel et l'a transformé, d'une résidence pour l'élite en une maison du peuple", dit encore un autre.

"Tu vois ?" sourit Alejandra. "Il est même coupable de plus de 18 crimes. C'est pour cela que les classes supérieures le détestent et que nous voulons qu'il revienne. C'est réellement un conflit de classe."

(Trad.: BDGD)

mercredi 8 juillet 2009

Photoshopez ce sang que nous ne saurions voir


Voila comment la presse conservatrice hondurienne considère l'éthique journalistique : le journal de droite La Prensa, souvent utilisé comme "référence" par nos journaux français de "gauche" pour décrire les évènements au Honduras, s'est tout simplement permis de publier la photo du jeune manifestant de 19 ans Isis Obed Murillo, assassiné d'une balle dans la tête par l'armée lors de la grande manifestation du 5 juillet, en effaçant les traces de sang.
Voila comment l'information est manipulée, en ce
moment au Honduras.

Détail de la page du journal "La Prensa"

Photo originale

Les putschistes au Honduras formés à la "Torture Academy"


Par Doug Ireland

Depuis un demi-siècle, les Etats-Unis forment des militaires sud-américains avec un net penchant pour la dictature au sein de la School of Americas, une annexe du Pentagone. Le responsable du coup d’Etat au Honduras en est issu.

Ainsi, les États-Unis n’auraient pas de responsabilité dans le coup d’Etat militaire du 28 juin dernier qui a renversé le gouvernement démocratiquement élu du Honduras ? Faux et archi faux !

Comme l’a rapporté l’hebdomadaire National Catholic Reporter du 29 juin, l’homme qui a fait ce coup, le général Romeo Orlando Vasquez Velasquez, commandant de l’armée, a été diplômé à deux reprises de l’infâme School of the Americas (L’École des Amériques), une succursale du Pentagone située à Fort Benning dans l’Etat de Géorgie et tristement célèbre école de torture d’où sont sortis une belle brochette de dictateurs et d’affairistes militaires en Amérique centrale et latine. Un autre leader du coup d’Etat est, lui aussi, diplômé de la même école : il s’agit du général Luis Javier Prince Suazo, chef des forces aériennes et responsable du transport du président déchu, Manuel Zelaya, en dehors du pays.

Relique de la Guerre Froide, la School of the Americas a été créée il y a un demi-siècle afin, disait-on, de former des militaires, des policiers et des agents de renseignement des pays au sud des États-Unis afin qu’ils conduisent la lutte contre les « insurrections » étiquetées « communistes » par le Pentagone. Mais dans les faits, les diplômés de cette école ont toujours constitué les troupes de choc de la répression politique contre la gauche dans ces pays hispanophones.

La torture enseignée à la School of the Americas

Bien avant les horreurs d’Abou Ghraïb en Irak, les pires techniques de torture étaient enseignées à la School of the Americas. En mai 2004, les manuels d’interrogatoire utilisés par l’école ont été rendus publics par le National Security Archive, un institut de recherche indépendant, après un procès qui s’est tenu selon la loi du Freedom of Information Act, intenté par des médias réputés comme le Baltimore Sun. Ces manuels, traduits en espagnol et dont des milliers d’exemplaires ont été distribués aux alliés hispanophones de Washington, donnaient des consignes explicites pour torturer, bastonner et assassiner.

La longue histoire de ces supplices pratiqués par les voyous diplômés de la School of the Americas a également été bien documentée par d’autres organismes, notamment Amnesty International dans son rapport intitulé « Unmatched Power, Unmet Principles » (Pouvoir incomparable, Principes abandonnés), ainsi que dans les excellents ouvrages « Hidden Terrors » (Terreurs cachées) de A.J. Langguth (un ancien reporter du New York Times), « Rogue State : A Guide to the World’s Only Superpower « (publié en France sous le titre L’État voyou : un guide de la seule superpuissance mondiale) par William Blum, ancien diplomate du Département d’Etat, ou encore « A Miracle, A Universe ») (Un miracle, un univers) par Lawrence Weschler (l’expert Amérique latine du New Yorker).

L’enseignement de la torture dans cette école été suspendu par le président Jimmy Carter en 1977, mais réintroduit par Ronald Reagan quatre ans plus tard. En 2000, suite à des enquêtes sur cette école par des médias tels que le Washington Post et le Baltimore Sun et grâce à une opposition grandissante à son encontre au Congrès, le Pentagone en a relifté le nom et l’a rebaptisé Western Hemisphere Institute for Security Cooperation (WHINSEC). Mais comme le disait à l’époque le sénateur Paul Coverdale de l’Etat de Géorgie, un conservateur membre du Parti républicain, cette soi-disant « réforme » n’était qu’« essentiellement superficielle ». D’ailleurs, aujourd’hui, tout le monde en dehors du Pentagone continue d’appeler l’école par son ancien nom.

Des généraux-dictateurs diplômés de cette annexe du Pentagone

Le coup d’Etat du 28 juin au Honduras est le troisième dans l’histoire de ce petit pays de 7 millions d’habitants, dont 50 % vivent dans une pauvreté extrême. En 1975, le général Juan Megler Castro, diplômé de la School of the Americas, est devenu le dictateur militaire de ce Honduras. Puis, entre 1980-1982, le chef de la dictature était un autre diplômé de « l’école de torture », Policarpo Paz Garcia. Ses principaux faits d’armes consistent à avoir intensifié la répression et semé la terreur avec le Bataillon 3-16, l’un des plus terrifiants escadrons de la mort de toute l’Amérique latine fondé par des diplômés honduriens de la School of the Americas, avec l’aide de diplômés argentins de cette école. Car cette dernière n’a pas essaimé qu’au Honduras. Loin de là.

Parmi les soixante mille et quelques militaires qui y sont passés, on compte plusieurs dictateurs avérés : les généraux Noriega et Trujillo au Nicaragua, le général Hugo Banzer Suarez en Bolivie, le général Guido Vildoso Calderon au Pérou, le général Efrain Rios Montt au Guatemala et les généraux Leopoldo Galtieri et Roberto Viola en Argentine.

La lutte pour fermer cette école immonde est menée depuis vingt ans par l’association School of the Americas Watch, animée par des catholiques de gauche et fondée par un prêtre, le père Roy Bourgeois, lui-même une ancienne victime des tortionnaires de cette institution au Salvador, après les meurtres de quatre bonnes sœurs catholiques et de l’évêque Oscar Romero par des escadrons de la mort organisés et commandés par le colonel Roberto D’Aubuisson, un autre diplômé de l’école et auteur des pires crimes commis pendant la guerre civile salvadorienne.

Hollywood se mobilise

Des manifestations récentes qui ont mobilisé des dizaines de milliers de personnes demandant sa fermeture devant les portes de l’école ont attiré la participation des personnalités comme l’actrice Susan Sarandon, l’acteur Martin Sheen et la sœur Helen Prejean, auteur du livre « Dead Man Walking » devenu un film célèbre avec Sean Penn (La Dernière Marche, de Tim Robbins).

Pour comprendre les dessous du coup d’Etat du 28 juin, il faut savoir que le président Zelaya du Honduras, comme l’a rapporté le National Catholic Reporter dans son article cité plus haut, « était un homme d’affaires qui penchait plutôt à droite quand il a été élu en 2006. Mais il a surpris beaucoup de monde quand il a commencé à desserrer les liens entre le Honduras et les Etats-Unis qui contrôlait le pays à tel point qu’on le surnommait “U.S.S. Honduras”. »

De plus, Zelaya avait augmenté le Smic local de 60 %, ce qui a rendu l’élite économique du pays folle de rage puis s’est « heurté aux multinationales pétrolières et à l’ambassade des États Unis quand il a tenté de réduire le prix du pétrole pour les Honduriens », comme l’a écrit le National Catholic Reporter.

La dernière fois qu’il y a eu un vote au Congrès américain pour stopper le financement de la School of the Americas — en 2007 — sept voix ont manqué pour fermer l’école. Mais lors des élections législatives de 2008, une trentaine de ses supporters ont perdu leurs sièges.

Ainsi, si le président Obama est vraiment sérieux au sujet de son auto-proclamé « nouveau départ » en politique étrangère, rien ne l’empêche du point de vue électoral de fermer immédiatement la School of the Americas. Mais jusqu’ici la Maison-Blanche est muette sur ce sujet.

Pour l’administration américaine, il n’y a pas eu de coup d’Etat au Honduras

Même si Barack Obama a déclaré que le renversement du président Zelaya n’était « pas légal », il l’a fait dans des termes bien moins forts que l’Organisation des États Américains, qui représente les 34 pays indépendants de l’hémisphère.

Qui plus est, sa secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, a refusé de le qualifier de « coup d’Etat » ce qui entraînerait automatiquement l’arrêt de toute aide économique et militaire au nouveau régime illégal du Honduras, selon la loi américaine qui régit l’aide aux pays étrangers. Le fait que Zelaya se soit laissé photographier souriant bras-dessus bras-dessous avec Hugo Chavez du Venezuela et Raul Castro de Cuba au sommet des gouvernements de gauche de l’Amérique latine en est sans doute pour quelque chose…

Bakchich

mardi 7 juillet 2009

En hondura no pasa nada, todo tranquilo


PS : Lisez l'article d'Henri Maler pour ACRIMED : Sous-information et désinformation : Loin du Honduras

Répression au Honduras, médias complices


Alors que dimanche, près de 200.000 manifestants s'était rassemblés à Tegucigalpa pour attendre le retour du président Zelaya, l'armée hondurienne au service des putschistes a violemment réprimé les manifestants par des jets de lacrymogènes et des tirs à balles réelles, faisant au moins deux morts officiellement (les organisations syndicales parlent de 6 morts ou plus), des dizaines de blessés dont 6 graves et plus de 800 arrestations. Tous ces faits et chiffres ont été confirmés par les quelques journalistes occidentaux, principalement de CNN (pas spécialement "gauchistes") qui étaient présents sur place.


Pendant ce temps, nos médias qui nous ont pourtant abondamment gavés des images douteuses de la "mort de Neda" à Téhéran dont de nombreux indices tendraient à laisser soupçonner une mise en scène, nos médias, disais-je, préfèrent regarder ailleurs et nous parler jusqu'à l'overdose d'affaires bien plus importantes comme les suites interminables de la mort d'un chanteur à succès ou de celle d'un milliardaire propriétaire d'un club de foot...


HOMMAGE A ISIS OBED MURILLO LÂCHEMENT ASSASSINÉ PAR L'ARMÉE PUTSCHISTE LE DIMANCHE 5 JUILLET 2009 A L'AÉROPORT TONCONTIN DE TEGUCIGALPA.

vendredi 3 juillet 2009

Le psychédelisme au service de la manipulation mentale dans l'Amérique des seventies



Ce film d'animation "psychédélique" de 1975 en hommage au 200eme anniversaire des USA a été financé par le "Projet Grant pour le Bicentenaire" et réalisé par Vincent Collins. Il a été produit par la United States Information Agency – l'agence de propagande du gouvernement.

Le patriotisme à l'américaine, associé a une tentative d'identification avec le mouvement hippie et l'inclusion du symbolisme propre aux sociétés secrètes, le tout enveloppés dans une animation hypnotique.

De la belle ouvrage.

mercredi 1 juillet 2009

L'Express vole au secours des putschistes


Cela fait longtemps que la lecture de "l'Express" de Christophe Barbier dit "Barbier le servile", quand je m'y risque au détour d'une salle d'attente, me laisse à chaque fois un arrière-gout si pestilentiel que, généralement, je cours illico m'acheter des cachous.

On pensait, après sa couverture complaisante du massacre de Gaza et sa misérable campagne de désinformation sur les élections Iraniennes, que l'Express ne pouvait pas tomber plus bas, étant donné qu'il avait déjà touché le fond. Eh bien nous avions tord, en effet, il creuse encore!

Nous est servi ce jour, sous la plume du dénommé Axel Gyldén, qui n'en est pas à son coup d'essai en la matière, un modèle de propagande néo-conservatrice de la plus belle facture où le mensonge côtoie la mauvaise foi dans la plus parfaite alacrité.

Ainsi, Gyldén reprend à son compte tous les arguments fallacieux des putschistes sans la moindre analyse critique dont il ne se prive pourtant pas à l'égard du président Zelaya.

Quelques exemples :

-" [Zelaya] est également à l'origine de la crise qui a abouti - provisoirement? - à sa destitution."

En gros, il l'a bien cherché, ce sale gauchiste.

- "Elu en 2005 sur un programme de droite..."

Ce que ne nous dira pas Gyldén, c'est que José Manuel Zelaya à été élu en tant que candidat du parti libéral (centre-droit) d'opposition au parti conservateur du président sortant Maduro (vraiment "de droite", lui, pour le coup), sur un programme prônant la défense des services publics, la lutte contre le chômage et la gratuité de l'enseignement public. Un programme typiquement "de droite", donc, en tout cas selon les critères d'Axel Gyldén.

- "...ce propriétaire terrien a effectué un virage sur l'aile en 2008 en rejoignant le Nicaragua sandiniste de Daniel Ortega et le Cuba des frères Castro au sein du "club" très antiaméricain créé par le Vénézuélien Hugo Chavez: Alternative bolivarienne pour les Amériques (Alba, neuf pays membres)."

Ce qu'oublie de nous dire le journaliste, c'est le pourquoi de ce "virage sur l'aile" :
Suite à la politique de la sourde oreille pratiquée par l'administration Bush face à ses appels à l'aide répétés pour l'aider à mettre en place son programme social, le président Hondurien s'est en effet tourné, en désespoir de cause, vers l'accord "Petrocaribe" et l'Alliance Bolivarienne des Amériques (ALBA), organisations initiées par le président du Vénézuela Hugo Chavez.

Outre l'aspect croquignolet qu'il y a à qualifier d' "antiaméricains" des pays qui sont tous américains, je vous renvoie à Nils Solari dans un article déjà consacré à l'oeuvre du sieur Gyldén :

Ayant emporté dans ses bagages d’envoyé spécial le petit nécessaire de toilette idéologique qui permet de dénoncer comme antiaméricaniste toute critique de la politique des gouvernements états-uniens, Gyldén n’a pas fait le déplacement pour ne pas s’en servir. Le Président du Venezuela, donc, ferait preuve d’un « antiaméricanisme viscéral ». Tellement « viscéral » d’ailleurs que le vocable très informatif d’ « antiaméricanisme » revient trois fois dans le texte. Qu’importe si Chavez ne met en cause que le modèle néolibéral que les gouvernements des USA cherchent à propager partout et par tous les moyens, sans jamais s’en prendre au peuple américain. Deux initiatives récentes montrent, que le gouvernement du Venezuela entend clairement distinguer la politique des Etats-Unis de son peuple :
- la proposition d’étendre la « Misión Milagro » [7], aux américains pauvres, lesquels se sont vus dépourvus de sécurité sociale après sa réduction par le gouvernement Bush ;
- tout comme de nombreux autres pays, le Venezuela a proposé d’apporter de l’aide humanitaire aux Etats-Unis (pour un montant de 5 millions de dollars), afin de faire face aux conséquences de l’ouragan « Katrina » [8].


- "Sur les conseils de son mentor Hugo Chavez, il s'est ensuite placé au-dessus des lois en convoquant, le 28 juin, un référendum qui lui aurait permis de modifier la Constitution afin de se présenter, à la fin de 2009, à sa propre succession. "

Cette affirmation est totalement fausse puisque le référendum (non-contraignant) du 28 juin portait sur l'élection d'une assemblée constituante qui en cas de victoire du "oui" aurait été élue le jour même de la prochaine présidentielle de novembre prochain et que la constitution n’aurait donc pas pu être modifiée avant 2010. José Manuel Zelaya n’aurait donc pas pu être candidat à sa propre succession.
Gyldén nous sert ici mot pour mot la propagande des putschistes.

- "Petit problème: un tel scrutin est inconstitutionnel."

Encore faux, la cour suprême Hondurienne ayant déclaré le référendum "illégal" et pas "inconstitutionnel".
Selon l'article 2 de la constitution Hondurienne : « La souveraineté appartient au Peuple dont émanent tous les pouvoirs de l’Etat exercés par représentation. La Souveraineté du Peuple pourra également s’exercer de manière directe, à travers le plébiscite et le référendum (...). »
Si, comme on le voit, ce référendum est parfaitement constitutionnel, la loi dont s'est servie la cour suprême pour le déclarer "illégal" est une loi votée le 9 juin par le congrès interdisant la tenue d'un référendum à moins de 180 jours du scrutin présidentiel. Une loi soit-disant "constitutionnelle" qui contredit elle-même l'article 2 de la constitution n'est-elle pas, en réalité, inconstitutionnelle ?

- "La Cour suprême, le Congrès, le tribunal suprême électoral, l'Eglise, les médias et l'armée craignaient que Zelaya ne cherchât, comme Chavez, à se perpétuer au pouvoir."

Gylden oublie juste de rajouter le mot "conservateurs" après "les médias". A part cela, cette affirmation est juste puisqu'il n'a pas osé ajouter "le peuple" à sa liste tant il est vrai que celui-ci ne voyait aucun inconvénient à être consulté par un référendum appuyé par 400.000 signatures.
Question :
Pourquoi les référendums seraient-ils dangereux pour la démocratie ?
Réponse :
Sans doute parce que les peuples ont trop tendance à ne pas y répondre de la façon dont M. Gyldén et la rédaction de l'Express le souhaitent (cf. le référendum Européen de 2005).

- "C'est donc paradoxalement afin de défendre l'Etat de droit que la classe politique a pris le risque (lourd de conséquences imprévisibles) de commanditer un pronunciamiento."

Joignons-nous donc à M.Gyldén pour remercier l'héroïque armée Hondurienne d'empêcher le peuple (ce gêneur!) de s'exprimer démocratiquement et manifestons-lui notre infini reconnaissance pour sa courageuse défense de l'état de droit à grands coups de matraque.

En bref, un bien bel article que feu le général Pinochet, ce grand démocrate devant l'Éternel, n'aurait certainement pas renié.