lundi 24 février 2014

Emploi en Grèce : bienvenue dans l’enfer du servage ultralibéral



350 euros par mois à temps plein, « à prendre ou à laisser ». Qu’il semble loin, déjà, le temps de la « génération 700 euros » de 2006… Avec la crise, trouver un emploi est devenu une mission quasi-impossible en Grèce. Les employeurs en profitent pour imposer des conditions de travail toujours plus dures. Plongée dans les eaux troubles du servage néolibéral.
 Dimitris n’arrivait même pas à entendre ses propres pensées à cause des cris. Le responsable de la tournée hurlait : « Des Abonnements ! Je veux des abonnements ! ». Personne n’osait lever la tête pour le regarder. Une fois, Dimitris a marmonné « j’essaie ». « Ce mot n’existe pas ! », lui avait alors crié son responsable. « La réponse est : Je ferai des abonnements ! ».
Ce centre d’appel, un parmi les dizaines qui se sont développés à Athènes depuis le début de la crise, était chargé de promouvoir les nouvelles offres d’abonnement d’une compagnie de téléphonie mobile. Sur un tableau, le nombre d’abonnements qu’ils avaient vendus était inscrit en regard des noms des employés. Un zéro s’affichait à coté de la plupart des noms.
Dimitris, 29 ans, a tenu à peine une semaine dans cet enfer. « Ils ne nous permettent pas même pas une pause de dix minutes. Personne ne se plaint de peur de se faire virer. Tu ne peux même pas quitter le travail à l’heure prévue dans ton contrat parce que les responsables te disent que tu n’aides pas l’équipe ». Chaque employé de ce centre d’appel doit passer plus de cent coups de fil par jour. « La pression psychologique et la fatigue sont insupportables. Chaque jour, plusieurs employés laissent tomber leurs écouteurs, se lèvent et partent », raconte-t-il.

Finie la « génération 700 euros », place à la « génération 350 euros »

La plupart des employés de ces centres d’appel sont des jeunes qualifiés qui n’arrivent pas à trouver un travail ailleurs. Il y a aussi quelques seniors, des gens de plus de 50 ans qui viennent trouver là de quoi survivre. « Tu les vois la tête baissé, ils sont désespérés. Mais ils savent qu’au moins ici ils seront payés ». Dans d’autres centres d’appel, les employés sont payés seulement s’ils effectuent un nombre minimum de ventes. « Pour 4h par jour tu es payé 270 euros par mois, pour 5h 300 et pour 8h 500 ».
Génération 1.000 euros, le livre des Italiens Alessandro Rimassa et Antonio Incorvaia, qui dénonçait la précarité et l’insécurité économique des jeunes en Europe, est devenu en 2006 un best seller. En Grèce, ce phénomène a été surnommé « génération 700 euros ». Personne ne s’attendait à ce qu’en 2014 la moyenne des salaires soit encore deux fois plus basse et que les employeurs vous disent que c’est « à prendre où a laisser ».
Les centres d’appels incarnent l’exemple même des dérives du marché du travail en Grèce depuis l’apparition de la crise. Outre les salaires humiliants, la plupart de ces entreprises font signer des CDD d’à peine un mois pour que les employés s’épuisent à gagner le droit de voir leur contrat renouvelé. Dans un de ces centres d’appels, le taux horaire est d’à peine 2,9 euros et les CDD réduits à 15 jours.
Pire, dans certains cas, les gens ont une période d’essai d’un mois non rémunérée, et à la fin ils sont remerciés. D’autant que parfois, l’entreprise va jusqu’à afficher le nom des employés licenciés pour accroître encore la pression. Des témoignages ont révélé que les employés d’un centre d’appel étaient obligés de chanter en rythme « Pourquoi eux et pas nous ? »…

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jeudi 6 février 2014

Affaire Dieudonné : le rapport au Sacré en République



Comment notre société peut-elle à la fois s'enorgueillir d'avoir « conquis » le droit au blasphème tout en abaissant toujours plus son seuil de tolérance dans le domaine de l'humour ? C'est que si l'influence des religions peut disparaître, celle de la sacralité demeure toujours...

 En mettant en avant le « risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacré par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la tradition républicaine » [1], le Conseil d'État a rendu une « décision historique » (Aurélie Filippetti). Il convient tout d'abord de rappeler, en préambule, que la plus haute juridiction de notre pays opère ici, sans doute en conscience (?), un grave contre-sens qui est le cœur de notre sujet.
Car que dit en réalité la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (la distinction des dates est ici primordiale) ?
- Article 1 : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
- Article 2 : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.
Notons que toute notion « d'atteinte à la Dignité humaine » est, ici,inexistante.
La question se pose donc de savoir où est-ce qu'elle apparaît dans les textes qui font sens aujourd'hui pour que le Conseil d'État s'emploie à l'invoquer afin de légitimer la censure de Dieudonné «M'Bala M'Bala». La réponse est, contrairement à ce que présume le communiqué, à trouver du côté de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 :
- Article 1 : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
- Article 2 : Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation [2].
En d'autres termes, le Conseil d'État insère dans la Déclaration de 1789 la Dignité présente dans la Déclaration de 1948, prétextant qu'il s'agit là de s'inscrire dans la « tradition républicaine » - ce qui est, nous l'avons vu, faux -, tout en se refusant d'évoquer la Liberté, pourtant premièrement citée dans les deux ! Il est pourtant évident que la Déclaration de 1789, héritée des idées libérales du monde anglo-saxon, ne pouvait faire présider au-dessus de la Liberté un concept aussi difficile à cerner que l'atteinte à la dignité humaine.


Dignité : le nouveau paradigme de l'Occident ?
Par cette confusion, voulue ou non, le Conseil d'État a le mérite de stopper, enfin, l'hypocrisie sur ce mensonge qui consiste à poser la Liberté comme socle de nos valeurs. En effet, l'« affaire Dieudonné » vient clairement confirmer le remplacement, par la Dignité, de la Liberté comme notre nouveau paradigme philosophique. Ce glissement, enclenché au sortir de la Seconde Guerre mondiale, s'inscrit d'ailleurs dans ce que le sociologue Norbert Élias a nommé le « processus de civilisation »(3), c'est-à-dire la féminisation progressive de nos rapports, et le dégoût toujours plus prononcé de la société civile à l'égard de la violence, qu'elle soit physique ou verbale.
Notre société a fait le choix de l'apaisement, et donc de son corollaire : la limite ; sans comprendre qu'une société apaisée n'est pas une société où les problèmes ont disparu. Ils sont seulement étouffés, mis sous couvercle par un lourd arsenal judiciaire. Puisqu'il ne peut être acceptable de « rire de l'Autre », cet Autre issu des « minorités », d'atteindre sa dignité, alors faisons en sorte qu'il soit, au moins dans un premier temps, juridiquement inatteignable. Et la morale suivra, bien naturellement, un jour... La judiciarisation de la pensée demeure donc logiquement l'arme suprême de la société apaisée.
L'interdiction a priori du spectacle de Dieudonné constitue son dernier exploit. Il faudra dorénavant surveiller tout œuvre qui va comporter une dimension « pamphlétairisante » trop forte. C'est-à-dire celle où la visée est clairement établie, où les coups portés sont efficaces dans le sens où ceux qui les reçoivent, « souffrent ». (...)

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La nouvelle hérésie
C'est donc le rythme de la nouvelle République : une provocation, une excuse. Existe-t-il pourtant plus hypocrite qu'un soldat qui après avoir visé la tête fait le signe de croix ?
Ainsi, les couvertures islamophobes de Charlie Hebdo se voient défendues au nom de la liberté d'expression, comme le sont ces diverses pièces de théâtre sur-subventionnées à coup d'argent public où un portrait du Christ reçoit des gadins. Nous pourrions évoquer les actions violentes des Femen, qui mettent du temps à être condamnées, et encore, d'une voix feutrée...
Il y a dans ces cas de figure un blasphème autorisé, pour lequel est absolument rejetée la possibilité d'être « atteint dans sa dignité ». Ce sont d'ailleurs souvent les mêmes - Fourest, Klugman, Cohen, Barbier, etc... - qui, bien dans leurs bottes, vous expliquent les yeux dans les yeux que les affaires ne sont pas sur le même plan sans se rendre compte de la précision de cet argument. Ils ne le pensent certainement pas ainsi mais, l'inconscience trahissant, il y a effectivement une valeur de plan - terrestre / astral ? - qui entre en jeu dans leur faculté d'indignation. Ce sont les curés de la morale laïque, au secours de l'Autre minoritaire, qui de prêche en prêche intiment l'opinion publique à ne pas rire de tout. Sans doute le malaise est plus profond : il nous semble qu'entre Français, rire de tout est possible, et même salvateur. Mais entre communautés ?
Notre ministre de l'Éducation, Vincent Peillon, figure parmi les plus honnêtes dans l'entreprise forcée de laïcisation des esprits qui est en cours. Ses livres, comme ses différentes interviews, font état d'une franche volonté de remplacer le christianisme, du moins son influence, par une foi laïque présentée comme la« religion de la République ». « D'où l'importance de l'école au cœur du régime républicain. C'est à elle qu'il revient [...] d'être la matrice qui engendre en permanence des républicains pour faire la République, République préservée, république pure, république hors du temps au sein de la République réelle, l'école doit opérer ce miracle de l'engendrement par lequel l'enfant, dépouillé de toutes ses attaches pré-républicaines (ndla : un baptême ?), va s'élever jusqu'à devenir le citoyen, sujet autonome. C'est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l'école et par l'école, cette nouvelle Eglise, avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la Loi », écrit-il.
La République, dans sa recherche du Sacré, a reçu le premier article de sa Révélation : de l'Autre minoritaire, tu ne pourras pas rire.
 
L'article en intégralité : Politique Magazine

dimanche 2 février 2014

Emmanuel Todd analyse la conférence de François Hollande



Lors d'une récente conférence sur les statistiques à l'Institut Henri Poincaré, Emmanuel Todd s'est fendu d'un commentaire sur la dernière conférence de François Hollande. Le Président vivrait une crise spirituelle car perdrait la foi en la religion de l'euro !

La conférence en entier : Horizons des Statistiques - Exposé d'Emmanuel Todd